TocCyclopédie ■ Époques
Richard Bourrelly

Ces quelques pages s'adressent à tous les joueurs qui rêvent de passer de l'autre côté du paravent, mais qui n'osent pas, de peur de ne pas s'en sortir correctement, Pour vous aider à vous lancer dans cette aventure passionnante, voici quelques conseils pour préparer vos premières séances de jeu et faire en sorte que la partie se déroule sans heurts.

Le minimum vital


Préparer la séance de jeu


Si l'idée de passer de l'autre côté de l'écran du meneur de jeu (MJ) vous titille et vous effraye en même temps, c'est qu'en général vous êtes bien conscient qu'il ne s'agit plus, comme pour les joueurs, de s'installer les pieds sous la table et d'attendre que ça commence.
Aussi, pour votre premier essai en tant que MJ, il est important de ne pas placer la barre trop haut, tant au niveau de la complexité du scénario, du nombre de règles qu'il vous faudra utiliser à coup sûr, mais aussi de la gestion du groupe de joueurs ou du temps de préparation du scénario. Inutile de vous piéger vous-même en commençant par une campagne de haut niveau destinée à bluffer douze joueurs chevronnés! Placez-vous donc dans les meilleures conditions, en faisant simple, et en suivant ces quelques conseils de base.
- Prenez un petit nombre de joueurs. Trois est suffisant, quatre est déjà beaucoup. Prévenez-les qu'il s'agit d'une partie de « rodage », et choisissez des amis indulgents qui sauront vous aider plutôt que vous enfoncer si vous perdez le fil du jeu.
- Évitez d'avoir votre MJ habituel comme joueur (sauf s'il est aussi fréquemment joueur lui-même, et sait alors oublier de la ramener à propos des règles). Un MJ interventionniste à votre table, c'est comme une belle-mère à côté du conducteur!
- Faites un test sur un jeu que vous connaissez déjà bien en tant que joueur. Et assurez-vous qu'il est apprécié de tous les participants. Sinon, vous risquez de prendre pour un échec ce qui n'est que manque d'intérêt d'un joueur pour le thème.
Cela dit, faisons maintenant la liste des pièges à éviter, contourner ou surmonter.

Lire les règles


Même si vous avez choisi un jeu que vous pratiquez déjà, vous allez être étonné. Les règles ou les références qu'utilise le plus un MJ ne sont pas toujours les mêmes que pour les joueurs. La rubrique Destination Aventure du n°79 de Casus explique comment lire une règle de jeu. Si vous utilisez une règle déjà connue, le plus efficace est de la garder sous la main tout en lisant le scénario: à chaque scène susceptible de faire intervenir un point de règle, reportez-vous y pour vérifier si vous en connaissez bien le principe.

Potasser le scénario


Pour votre première expérience en tant que meneur de jeu, vous devez choisir un scénario simple et court. Si votre MJ habituel n'est pas parmi vos joueurs, il peut alors vous aider à le trouver ou le concevoir, quoique cette deuxième option soit à éviter: il vaut mieux apprendre à maîtriser avant de commencer à écrire ses propres histoires. Vous trouverez dans chaque Casus (ou presque) un scénario « Destination Aventure », qui n'est pas forcément simpliste, mais où tout piège technique est soit explicité soit évité. Dans le choix du scénario, évitez :
- L'intervention de règles particulières: les psi à AD&D, le combat spatial dans Star Wars, des règles spécifiques au scénario (règles navales par exemple), etc.
- Les PNJ trop « riches » en possibilités (magicien de haut niveau avec une flopée de sorts).
- La rencontre probable avec un grand groupe d'adversaires, qui vous obligerait à gérer un combat de masse.
Ne rejetez pas les scénarios du type « couloir-salle-monstre-trésor ». Ce ne sont pas les plus intéressants, mais si l'on veut commencer par quelque chose de simple, autant suivre ce type de schéma.
La préparation d'un scénario passe par sa lecture attentive et une bonne connaissance des cartes et plans qui l'accompagnent. Ainsi, pendant la partie, vous serez toujours conscient du moment et de l'endroit où se trouvent les personnages, ainsi que de l'avancée du scénario. Cela vous évitera d'être pris au dépourvu ou d'avoir à vous plonger dans vos papiers pour retrouver le fil de l'histoire en laissant un temps mort s'éterniser.
Enfin, prévoyez une scène de début de partie qui capte l'attention des joueurs (arrivée fracassante d'un individu dans l'auberge, attaque d'animaux sauvages...).
Préparer le scénario, c'est aussi préparer les personnages. Il est important que vous connaissiez les personnages des joueurs. Mais comme il s'agit d'une séance particulière, permettez-vous une entorse aux usages: comme il serait dommage de tuer le perso favori de vos amis pour un test, mieux vaut leur demander de créer des personnages pour l'occasion, pas forcément des débutants. Une bonne méthode est que chacun prenne un de ses personnages de petit niveau et en crée un « clone » légèrement modifié.

Faire un ou deux combats


Au cours d'une partie, les moments les plus techniques, c'est-à-dire ceux qui font le plus appel aux règles, sont certainement les combats. Il faut donc que les règles relatives à toutes les formes d'affrontement soient bien connues du meneur de jeu. Pour cela, lisez-les attentivement, et quelques jours avant la partie réunissez vos amis pour faire quelques combats « à blanc » entre personnages joués (PJ) et personnages non joués (PNJ). Si tous vos joueurs ne sont pas disponibles, un seul peut suffire à vous donner la réplique en manipulant deux ou trois PJ. Il faut que vous en fassiez assez pour que chaque combat se déroule d'une manière fluide. N'oubliez pas de prévoir toutes les situations possibles, comme le combat au corps à corps, le combat à distance avec des armes de jet, le combat « groupe contre groupe », l'attaque dans le dos, la surprise, l'initiative, etc.

S'attendre à improviser


Pendant la partie, les joueurs peuvent être amenés à sortir du cadre prévu par le scénario. Il ne faut pas que vous soyez pris au dépourvu. Pour cela, pendant votre lecture du scénario, essayez de repérer les situations où les PJ risquent de partir dans des directions non prévues, et trouvez des solutions pour les ramener à un point connu du scénario, pour leur permettre de continuer à avancer dans l'histoire. Quand vous devez improviser, faites-le avec assurance et gardez en tête que vous devez vite retomber sur le scénario. Si cela vous effraye un peu, choisissez une histoire située dans un lieu clos et lisez les conseils donnés dans Destination Aventure n° 82.

Commencer la partie


Le début du jeu est un moment crucial, car c'est lui qui va donner le ton à toute la partie. Pendant que vous installez votre matériel et relisez les points importants du scénario, les joueurs vont se mettre à discuter entre eux. Un certain désordre va donc s'installer. C'est normal, mais cela ne doit pas dépasser dix minutes. Il est essentiel de mettre fin clairement à ce laisser-aller pour que tous les joueurs sachent que la partie commence et que, dès lors, on rentre dans le jeu, dans l'aventure. Pour cela, il faut à tout prix éviter les « Bon, on commence ? » ou les « Heu... Alors... On va y aller ». Ce qu'il faut, c'est commencer très fort, capter l'attention en parlant haut et clair, et surtout en ayant préparé une introduction qui plonge tout de suite les personnages dans l'action.
Voilà c'est parti!

Et plus si affinités


De plus en plus fort


Avec les conseils qui précèdent, vous savez tout ce qu'il faut savoir pour vous lancer. Mais, si finalement, vous n'avez pas tant le trac que cela, vous pouvez vous préparer à faire de ce coup d'essai un coup de maître. Encore un fois, cela ne veut pas dire chercher la complexité, mais simplement fignoler le travail...

Bien répartir le temps de parole


Le meneur de jeu doit être impartial vis-à-vis des joueurs. Cela veut dire, entre autres, que vous ne devez pas avantager tel ou tel personnage, même s'il est le personnage central de l'histoire ou le chef du groupe. Vous ne pouvez pas non plus favoriser un joueur plutôt qu'un autre en lui donnant, par exemple, l'occasion de s'exprimer plus ou aux dépens des autres.
Il faut donc s'arranger pour que tous les joueurs puissent s'exprimer également. A l'inverse, il ne faut pas qu'ils vous empêchent, vous, de parler, ou qu'ils parlent tous en même temps. Pour ne pas être submergé, les méthodes les plus sûres restent le tour de table (vous donnez la parole à un joueur à la fois et seulement à lui, puis vous passez à son voisin) et l'initiative (vous donnez la parole aux joueurs en respectant l'ordre donné par le tirage d'un d6 par exemple).
Cette dernière méthode doit être utilisée seulement pendant les phases de jeu où tous les personnages agissent en même temps ou presque. L'autre équilibre important à trouver est celui de votre propre temps de parole par rapport à celui du groupe. Il ne faut pas que vous parliez trop et que vous monopolisiez la parole au point que les joueurs n'aient rien d'autre à faire que de vous écouter. De trop longs monologues du MJ allongent la durée du jeu et fatiguent les joueurs qui perdent alors leur concentration et leur attention. Toutefois, il est important que vous vous montriez disponible. Vous êtes leur interlocuteur privilégié et ils s'attendent à ce que vous les écoutiez. Une méthode simple pour vous assurer que vous avez bien compris l'idée ou la question du joueur consiste à la répéter en d'autres termes, à la reformuler. Cette méthode offre entre autres l'avantage de prouver aux joueurs que vous êtes à leur écoute et que vous les comprenez: c'est important.

Ne pas hésiter à couper la partie


Normalement, vous avez prévu un scénario court. Mais si la partie dure plus longtemps que prévu, il ne faut pas s'efforcer de la terminer coûte que coûte ou de bâcler la fin du scénario, ce serait dommage. Coupez le scénario en deux ou trois parties. Mais attention, il ne faut pas couper au cœur de l'action, sinon vos joueurs seront perdus quand vous reprendrez l'histoire une ou plusieurs semaines après. Il faut donc couper entre deux scènes, après un combat ou avant un voyage par exemple. Vous pouvez repérer à l'avance, lors de votre lecture du scénario, les endroits où la pause est possible.

Soigner la forme


Pour capter l'attention des joueurs et vous faire bien comprendre, vous devez parler à haute et intelligible voix. Articulez bien et forcez l'intonation sur les passages importants de votre discours. Soyez audacieux, c'est-à-dire parlez en étant intimement convaincu que tout ce que vous dites est de la plus haute importance. Ne vous laissez pas interrompre, et si le cas se produisait, faites aimablement remarquer à celui qui vous a coupé la parole que vous préféreriez que cela ne se reproduise pas. Pour vous aider à être écouté avec attention, n'hésitez pas à vous lever, à faire le tour de la table, à vous rapprocher
des joueurs. Ne restez pas caché derrière votre paravent, car aucun joueur n'a envie d'écouter un MJ comme on écoute la radio. En vous levant, vous dominez la table, ce qui augmentera votre prestance. Autre conseil: regardez bien dans les yeux ceux à qui vous parlez, cela leur montrera que vous vous intéressez à eux et cela vous rendra plus convainquant. Si vous parlez à tout le groupe, promenez votre regard d'un joueur à l'autre. Pour être écouté, soyez précis et ne faites pas de trop longues phrases. De même, évitez les digressions et gardez toujours en mémoire ce que vous voulez dire et où vous en êtes dans le déroulement du scénario. Cela vous évitera de perdre le fil de votre discours et permettra aux joueurs de vous suivre sans difficulté. Dernier petit conseil: soyez d'humeur égale (si possible bonne), évitez les sautes d'humeur qui pourraient désorienter vos joueurs.
Évitez également de mettre le nez dans les bouquins de règles dès qu'une difficulté se présente. A ce propos, je vous conseille vivement de vous mettre d'accord avec vos joueurs pour que personne ne regarde les règles pendant le jeu: cela casse le rythme de la partie et fait sortir les joueurs du scénario. S'il y a un désaccord sur un point de règle, c'est vous qui le trancherez, et tant pis si vous vous trompez. Après tout, l'erreur est humaine et ce n'est que votre première partie: tout le monde vous pardonnera. Si toutefois vous avez quand même un détail à chercher (un tableau, une liste...), alors faites-le pendant que les joueurs discutent entre eux et vous éviterez ainsi un temps mort.

Gérer les sources de parasites


Diverses sources de parasites peuvent troubler le cours du jeu, extérieures ou intérieures. Dans le jeu, ce peut être deux personnages qui ne sont pas d'accord et ergotent sur un choix à faire. Si le conflit dure plus d'une ou deux minutes, rappelez aux joueurs que c'est votre baptême du feu, et qu'ils seraient gentils de conclure rapidement.
Hors jeu, ce peut être l'arrivée impromptue d'un visiteur, une pause café qui donne naissance à me discussion animée sur les reportages télévisés, ou en pleine partie une discussion entre deux joueurs momentanément en dehors de l'action.
Pour tous ces cas, il est bon de prévoir, avant la partie, qu'un joueur charismatique soit votre
« chaperon ». Ainsi, dans certains cas, vous serez en position pour rappeler les trublions à l'ordre, dans d'autres, votre ange gardien pourra ramener l'ordre sans que vous ayez à interrompre votre dialogue.

Résumé de la situation


Si l'on considère l'ensemble des joueurs (c'est-à-dire les joueurs à proprement parler plus le MJ), on peut dire que ce groupe a trois fonctions lors d'une partie:
1- Production:
- des informations (MJ);
- des idées (PJ);
- des décisions (PJ).
2 - Facilitation du travail des autres pour un déroulement plus rapide et plus agréable du scénario:
- descriptions claires des situations et énonciation précise des problèmes (MJ);
- résolution des problèmes (PJ).
3 - Régulation des débats et des échanges:
- répartition du temps de parole (MJ);
- écoute des autres (tous).
Votre rôle en tant que meneur de jeu est d'assurer au mieux vos attributions [notées (MJ)]. Pour cela, vous devez avoir bien préparé votre scénario et être rigoureux et précis dans les informations et les descriptions que vous donnez aux joueurs. N'hésitez pas à faire des plans et répondez aux questions sans perdre le fil de votre discours. Il faut aussi que vous ne favorisiez pas tel ou tel joueur au détriment des autres. La technique du tour de table semble à cet égard la plus fiable, mais elle doit être utilisée avec parcimonie car c'est aussi la moins conviviale. Le MJ doit être ouvert aux remarques de tous les joueurs pour ne pas favoriser la compétition et les jalousies entre les personnages (les conflits internes au groupe nuisent souvent à l'avancée du scénario). Pour vous faire bien comprendre, adoptez un débit lent et des phrases simples. Répétez les points importants et parlez clairement.
Par ailleurs, le rôle du MJ en tant qu'animateur de la table de jeu est d'aider les joueurs à assumer leurs attributions [notées (PJ)]. Vous devez donc favoriser leur imagination et leur fantaisie. Pour cela, évitez de les interrompre dans leurs phases de réflexion. De même, ne leur donnez pas la solution à un problème ou la marche à suivre trop facilement, mais aiguillez-les grâce à des indices bien choisis. Pour que le travail des joueurs puisse se dérouler dans des conditions favorables à l'avancée du scénario, vous devez contrôler les débordements et instaurer le calme. Mais il ne faut donc pas confondre instaurer le calme et faire régner l'ordre, le jeu de rôle suppose une bonne dose de fantaisie et de théâtralité.
Être meneur de jeu n'est pas aussi difficile qu'il y paraît. Vous constaterez vite que les joueurs sont indulgents et compréhensifs vis-à-vis d'un meneur de jeu débutant. Si malgré votre bonne volonté et les conseils de cet article vous éprouvez toujours quelques difficultés, allez donc discuter avec les MJ confirmés de votre entourage. Ils pourront vous donner leurs loyaux, aplanir certaines difficultés que vous rencontrez, et vous trouverez sûrement quelques astuces à vous approprier.
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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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